Par Darchari MIKIDACHE,
Président du CERCLE DES ECONOMISTES ET DES EXPERTS COMORIENS de tous horizons (CEEC)
UNE JUSTICE INDEPENDANTE, MODERNE, EFFICACE ET EGALE POUR TOUS.
La Justice doit être dotée de moyens modernes afin de mener des enquêtes pour traduire en justice tous auteurs de détournements de biens publics et des deniers de l’Etat dans un cadre serein et d’application du principe de l’indépendance de la justice. Il faudra revoir par la voie législative le code pénal afin d’alourdir les sanctions civiles et pénales , les amendes et les peines d’emprisonnement pour les personnes jugées coupables de corruption, de détournements de fonds publics et des biens de l’Etat. Pour cela, la justice doit pouvoir exercer sa mission avec détermination, équité et efficacité. Et dans ce cadre, toute personne qui prendrait des fonctions publiques devrait faire une déclaration écrite de l’état de son patrimoine avant le début de la prise de fonction et en fin de mission pour assurer une très grande transparence dans l’administration publique.
UNE AUTORITE INDEPENDANTE DE PREVENTION ET DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION.
Pour renforcer ce principe de justice égale pour tous, la création d’une autorité indépendante de prévention et de lutte contre la corruption comprenant dans chaque île des Brigades financières anti-corruption pouvant contrôler sur le terrain et à tout moment s’avère indispensable. Des campagnes nationales de prévention de la corruption devraient être mises en œuvre de manière pédagogique à travers les radios et les télévisions en expliquant les méfaits de la corruption pour le développement du pays. La corruption active exercée par les usagers des services publics et la corruption passive provenant des fonctionnaires ainsi que les complices de tels actes quelle que soit la position sociale ou hiérarchique des concernés doivent constituer la priorité des brigades d’intervention. Des sanctions exemplaires et dissuasives telles des amendes fortes, la déchéance des droits civiques pendant au moins dix ans et des peines d’emprisonnement sans possibilité de libération conditionnelle doivent être prononcées afin de récupérer les biens de l’Etat et augmenter les recettes publiques. Pour ce faire, il faudrait équiper ces brigades de budgets spécifiques et de moyens modernes en matière d’équipements informatiques et matériels pour pouvoir renforcer leur efficacité.
UNE COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE.
Devant la gravité des détournements de l’argent public dans les administrations, il me paraît primordial de mettre en place une Cour de discipline budgétaire et financière composée d’experts au-dessus de tout soupçon ayant une compétence technique en termes de comptabilité, d’économie générale, de fiscalité et de finances publiques. Cette cour doit pouvoir juger de manière approfondie la gestion administrative et financière de chaque chef de service et de chaque comptable, chaque directeur d’un service public ou des sociétés d’Etat chaque année. La publication de rapports semestriels voire trimestriels avec la dénonciation des gaspillages des ressources publiques ainsi que des mauvaises gestions publiques doit pouvoir contribuer à limiter les détournements des deniers publics.
REFORME DU MINISTERE DES FINANCES POUR AUGMENTER LES RECETTES DE L’ETAT PAR L’AUGMENTATION DU TAUX DE RECOUVREMENT DE L’IMPOT et PAR LE RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION AVEC LA CREATION D’UNE INSPECTION DES FINANCES CONTROLANT LE TRAVAIL DE TERRAIN DES AGENTS DES IMPOTS ET DU TRESOR.
Pour pouvoir mener à bien la mission de redressement des finances publiques et pour financer les projets de développement comme le financement d’une industrie de la pêche, la modernisation de l’agriculture avec la création de coopératives, en plus de l’accentuation du contrôle de la gestion des hydrocarbures et des douanes de Moroni et de Mutsamudu dont il faut augmenter absolument les recettes grâce à la lutte active et réactive contre la corruption passive et active et à la fixation d’objectifs quantitatifs pour tous les agents concernés, il apparaît indispensable d’améliorer le fonctionnement de l’administration publique en augmentant le rendement des agents du Ministère des Finances, de l’Economie et du Budget. Cela passe de manière obligatoire par la réforme de ce ministère clé. Le principe doit être la responsabilisation de chaque agent des impôts à tous les échelons de la hiérarchie administrative. En effet, on constate une faiblesse des rentrées fiscales de l’Etat, une partie des recettes publiques étant détournée et mise dans les poches des agents publics chargés de les recouvrer sur le terrain ou au niveau de l’administration centrale. Il faudrait pallier ce problème en augmentant le rendement de chaque agent par la lutte contre la corruption sur le terrain grâce à l’action des brigades financières et de la justice mais aussi grâce à la création d’une Inspection Générale des Finances Des stages et des séminaires sur les techniques de recouvrement devraient être généralisés afin de moderniser les services de recouvrements des impôts. L’objectif est d’augmenter les recettes fiscales de l’Union des Comores afin de dégager des ressources financières pouvant soutenir les projets de développement national dans la mesure où ces projets nécessitent beaucoup de capitaux et l’Etat a besoin de sources de financement stables et certaines. Il serait en fait dommage de se contenter des seules recettes de la Douane, des Hydrocarbures et de la Poste, des télécommunications alors que la fonction publique coûte cher à l’Etat. Il s’agirait en fait d’introduire une culture de motivation et de résultats dans le secteur administratif comme cela se fait de plus en plus dans le monde.
, Cette réforme de l’administration en particulier celle du ministère des Finances est une impérieuse nécessité car elle permettrait d’augmenter les ressources publiques afin de payer de façon continue les fonctionnaires et de disposer des moyens financiers pour mettre en œuvre du programme national de développement en tenant compte du rapport sur la réduction de la pauvreté aux Comores et des propositions de réforme formulées par la Haute Autorité de la Fonction Publique. L’introduction du management dans ce ministère, la fixation d’objectifs quantitatifs et qualitatifs aux contrôleurs, l’octroi de petites primes à ceux qui rapportent plus de recettes fiscales en plus de la mise en œuvre d’une politique de réduction de la corruption sous l’impulsion des inspecteurs des finances et des brigades financières permettront à l’Union des Comores d’augmenter ses ressources de façon considérable. Par conséquent, la réforme des pratiques des collecteurs des impôts ainsi que la création d’une Charte d’éthique établissant des règles de déontologie strictes, l’intéressement des agents par l’octroi de primes collectives ou individuelles, la responsabilisation des cadres avec la définition d’objectifs de rentabilité incitatifs, progressifs et réalisables amélioreront sans aucun doute les ressources publiques. Il faudrait également rendre obligatoire la tenue d’une comptabilité pour toute entreprise et pour tout commerce afin de faciliter le contrôle et donc d’accroître le taux de vérification de la comptabilité et le taux de recouvrement des impôts Bien sûr, il faudrait accentuer les contrôles en amont et en aval par le contrôle interne du travail des agents. Des objectifs qualitatifs et quantitatifs doivent être fixés. Ces derniers devraient rendre compte de la réalisation de leurs objectifs tous les trois mois, à défaut ils devront expliquer la raison de leur échec et proposer ainsi les moyens pour les respecter.».
Pourquoi ne pas réfléchir une réforme de la fiscalité pour plus de simplification et de lisibilité avec un élargissement de l’assiette de l’impôt qui tiendrait compte de la capacité à payer de chacun? L’adoption d’applications informatiques permettant de faire le suivi en temps réel du recouvrement des créances de l’Etat ne devrait elle pas constituer une nécessité impérieuse?
LA REDUCTION DU TRAIN DE VIE DE L’ETAT ET LA LUTTE CONTRE LE GASPILLAGE DES RESSOURCES PUBLIQUES constituent une manière de diminuer les dépenses publiques et donc de faire des économies pour faciliter le financement des projets de développement.
Dans cette même optique de redressement des finances publiques, il serait souhaitable dans un premier temps que l’Etat donne l’exemple en diminuant son train de vie et en évitant les gaspillages des deniers publics
La chasse au gaspillage passe également par une gestion rigoureuse et transparente des finances publiques. Je vous prie de demander à chaque comptable public de justifier de l’utilisation de chaque franc comorien. . Il serait souhaitable par ailleurs que vous suiviez de très près les rentrées financières et leur répartition avec les présidences des îles.
De même, il serait vivement conseillé de renégocier la dette publique comorienne internationale vis-à-vis des bailleurs de fonds afin d’obtenir un rééchelonnement ou une réduction des taux d’intérêt. L’objectif serait de diminuer le montant des annuités payées aux prêteurs pour avoir des marges de manœuvre financières pour financer le développement économique et social.
Par ailleurs, à défaut de réduire la masse salariale dans la fonction publique, il serait souhaitable de faire comprendre à nos concitoyens la différence entre une personne qui occupe un poste politique comme un directeur, un secrétaire général d’un ministère qui est nommé par décret et qui dépend du pouvoir politique avec un fonctionnaire qui est un agent de l’Etat qui doit être recruté en raison de ses qualités techniques ou administratives. Cela implique qu’il faudrait introduire une rupture dans la manière de recruter les futurs fonctionnaires. Il faudrait créer une autorité interministérielle d’organisation de concours de la fonction publique transparente et disposant d’un budget autonome. Celle –ci serait chargée de recruter les futurs serviteurs de l’Etat en fonction des besoins du pays en organisant de manière impartiale (avec la correction des copies de façon anonyme) des concours où seuls les meilleurs seraient retenus pour devenir fonctionnaires. Cet organisme pourrait aussi attribuer les bourses d’études ou les bourses de projets de création d’entreprises en organisant les concours dans chaque île. Cela peut être un moyen de sélectionner les meilleurs fonctionnaires et donner une chance à chacun de réussir. Ce mode de recrutement des fonctionnaires par l’organisation de concours impartiaux constitue un moyen de limiter la hausse du nombre des fonctionnaires tout en choisissant les meilleurs. Ce qui constituerait une façon de faire des économies pour l’Etat. Les propositions de la Haute Autorité de la Fonction publique vont dans le bons sens.
Ainsi le redressement des finances publiques par les différentes mesures devrait permettre à l’Etat de disposer de moyens pour favoriser les projets de développement prioritaires. A titre d’exemple, il sera possible d’engager une politique économique orientée vers la création d’emplois par l’application de mesures incitatives en matière de création d’entreprises privées ainsi que dans les domaines de la pêche, du tourisme et de l’agriculture.
FAVORISER LE DEVELOPPEMENT DU SYSTEME BANCAIRE OU DU MICRO-CREDIT capable d’aider au financement des projets de créations de petites entreprises dans le secteur privé ou dans la réorganisation de la pêche et de l’agriculture tout en favorisant la création d’emplois stables.
Pour cela, il faudrait développer le système bancaire en rompant le monopole de la Banque pour l’Industrie et pour le Commerce (BIC). Il est vrai qu’il est difficile de faire venir une banque concurrente comme le Crédit Lyonnais sans heurter les Autorités françaises. Si vous pouvez négocier avec les représentants de cette banque en vue de son installation à Anjouan, ce serait appréciable et économiquement efficace. Dans le cas contraire, je vous suggère de réfléchir à la possibilité développer le micro crédit en incitant les projets du style Sanduk et les Meck à étendre leur action sur tout le territoire dans le s villes et villages aussi bien à Anjouan et Mohéli qu’à la Grande-Comore. Et parallèlement il est possible d’utiliser le réseau de la SNPT qui est implantée dans les grandes villes pour améliorer le recouvrement des impôts divers de l’Etat dans le cadre d’une politique de décentralisation financière citoyenne. Ce réseau postal pourra aussi servir à faciliter le paiement des impôts des villages éloignés par l’octroi de la possibilité de paiement des impôts et d’autres taxes et factures d’électricité par l’intermédiaire de la Poste. Cela permettra de favoriser la création d’emplois dans le secteur privé, le développement de la pêche et la réorganisation de l’agriculture. Bien entendu, cela suppose que l’Etat mène une politique économique dynamique en subventionnant les achats de matériels de pêche ou de petits bateaux pour les groupements d’individus et pour les coopératives. L’Union devrait aller à bas prix de petits bateaux spécialisés dans la pêche ainsi un ensemble de réfrigérateurs adaptés pour la conservation des produits de la pêche des villages et leur constitution en coopératives de moyens .Cela pourrait être un moyen de réduire le chômage et favoriser le développement du secteur de la pêche. Bien entendu, pour favoriser le développement du secteur privé et donc la création d’emplois nouveaux dans l’économie, la création d’agences de conseils en matière de création d’entreprises et leur implantation dans les grandes villes dans toutes les îles à côté des caisses de micro crédit ou des banques postales s’avère primordiale. L’installation des nouvelles banques annoncées par les autorités publiques va dans la bonne direction. Ne pourrait-on pas envisager également la création d’une ou plusieurs banques pour l’habitat afin de contribuer à la lutte contre l’habitat insalubre et permettre ainsi compléter la politique d’aménagement du territoire et d’abaissement du coût de la construction?.
Il serait souhaitable de fixer un impôt proportionnel ou forfaitaire en fonction du montant des dépenses de grands mariages, un pourcentage significatif des recettes correspondantes pourrait être affecté au budget de l’Union des Comores et de la présidence de l’île concernée, la partie restante pourrait être versée au budget de la commune concernée sous la responsabilité du maire. Il faudra dans ce cas créer un partenariat entre les agents collecteurs des impôts chargés du recouvrement de cette nouvelle taxe et le Chef du village qui pourra contribuer à une meilleure évaluation des dépenses de grands mariages. Cela suppose une grande concertation nationale impliquant tous les acteurs sociaux y compris les chefs de villages et le Ministère des Finances. Cette nouvelle taxe permettra d’augmenter les recettes de l’Etat.
En matière agricole, un appel aux pays amis des Comores pour signer des accords de coopération, un accord d’assistance mutuelle dans les domaines de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche peut contribuer à améliorer les méthodes de production et de gestion des ressources. Des pays comme la Chine peuvent nous aider à promouvoir notre agriculture grâce à leur expérience historique .Ils peuvent contribuer à assurer à nos éleveurs, à nos pêcheurs et à nos agriculteurs une formation adaptée avec des méthodes efficaces. Il faudrait par la même occasion revoir les accords signés avec les pays qui exploitent nos droits maritimes afin de vérifier que les précédents gouvernements comoriens ne les ont pas cédés à des prix dérisoires en se laissant corrompre ou en mettant une partie des recettes dans leurs poches. Il serait souhaitable de négocier avec les pays exploitants notre mer à la mise à disposition de petits bateaux de pêche sous forme de dons ou de vente à des prix raisonnables. Tout cela constitue des possibilités pour l’Union des Comores de retrouver des ressources financières ou matérielles au profit du redressement et de la modernisation des secteurs de l’agriculture, de la pêche et de l’élevage. Pourquoi ne pas saisir cette occasion pour reformer notre armée en créant sur la base du volontariat des corps spécifiques dans le domaine du génie civile pour la construction des routes, des maisons et des infrastructures mais également dans les domaines de la surveillance de nos frontières maritimes et de la sécurité maritime ou éventuellement dans le domaine de l’agriculture puisque leurs traitements sont toujours assurés par l’Etat ? Cela implique une grande concertation nationale, la négociation d’accords de formations et de stages à l’étranger pour certains groupes de volontaires acceptant de participer à ces nouveaux corps de l’Etat. Ceux-ci pourront prendre en charge la formation des autres membres des différents corps respectifs à leur retour de formation.
Pour conclure, la gestion de manière rigoureuse et transparente des finances publiques devrait s’accompagner d’une révolution à la fois pédagogique et participative des méthodes d’organisation et de travail au sein des administrations publiques. Il ne suffira pas simplement de recruter les nouveaux fonctionnaires par concours. Il faudra rénover les pratiques administratives, renforcer les formations continues de tous les agents de l’Etat et impliquer ces derniers dans la réforme administrative dans le cadre d’une concertation réelle et interactive. L’expérimentation de nouvelles pratiques administratives avec des méthodes éprouvées en matière de management ne pourra être d’une réelle efficacité que si elle s’accompagne d’une mutualisation des savoir-faire, d’une reconnaissance du travail des fonctionnaires et d’un contrôle. interne régulier de la qualité des services publics.
MIKIDACHE Darchari
Président du Cercle des Economistes et des Experts Comoriens de tous horizons (CEEC)
Contact : ceec.comores@gmail.com